Cédric Girard

aspirant auteur : tentatives de nouvelles et prochainement romans

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Journal d'un aspirant écrivain

Textes lyriques - Ramer sur l'eau

quelques vieilleries trouvées au grenier

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Ramer. Plonger la rame dans l'eau à gauche. Pousser avec le bras droit, tirer avec le gauche, légère inclinaison du buste pour accompagner harmonieusement le mouvement. Basculer le buste de l'autre côté, les bras qui suivent comme les vainqueurs. Tirer avec le bras droit, pousser avec le gauche. Recommencer. Creuser à droite, creuser à gauche, creuser son chemin dans l'eau, avancer même si le chemin se referme. Le chemin est dans le fait d'avancer, mais on aimerait bien avoir une preuve concrète que l'on avance. L'eau n'offre pas cela. La vie non plus.

Imagine un chemin, un sillon. L'étrave de la petite barque laisse une trace quelque part. Quelque part ailleurs que dans ta mémoire, je veux dire. Les remous de son faible tonnage filent dans l'océan, une histoire de papillon, je crois. Mais quelle importance, qui s'en rend compte? Les requins peut être, s'il y en a dans le coin. Les prédateurs ont au moins cet avantage sur la masse des poissons qu'ils s'intéressent à moi. Pour leurs propres raisons, et non pour moi même. Enfin, pour ce que je suis en tant que viande et non pour ce que je peux être en tant qu'homme. Mais au moins ils s'intéressent à moi. Déjà ça. Mais s'il n'y a pas de requins, qui en a quelque chose à foutre des traces que propage l'eau dérangée par mon bateau? Si tous les poissons s'en foutent? Ho, je vais bien en secouer un ou deux, distraits. Je vais bousculer quelques kilos de plancton peut être? Mais les autres, ceux que je ne force pas à me considérer en leur rentrant dedans?

Non, pas de sillon, la seule trace de mon avancée, c'est que je ne suis pas au même point qu'à l'instant précédant. Cela ne change pas grand chose peut être si la faim ou la soif rament plus vite que moi et que le dernier instant de ce voyage ne me permet pas de me jeter pour embrasser le sol d'un quelconque rivage. Cela ne change rien, ou cela change tout si je croise une route maritime. Cela change tout si je m'en éloigne, faute de n'avoir pas vu le sillon des pétroliers. Cela change tellement de chose qu'on en arrive au hasard total. De mon point de vue, parce que je ne sais pas tellement de chose. Si je savais où je suis et si j'avais une carte des routes commerciales le hasard pourrait aller se rhabiller illico, mais il profite de mon ignorance. Comme les requins. Bref, pour l'instant je suis le jouet du hasard, ou en tout cas je ne peux pas percevoir autre chose que lui.

Faudrait que je grimpe haut, que j'empile quelque chose pour voir un horizon plus loin. Si je voyais plus loin, je serais un peu comme un voyant. Leur médiumnité est peut être une simple longue-vue? Un accroc dans le rideau? Ha, j'ai entendu quelque part si j'arrive à plier une feuille de papier sur elle même un grand nombre de fois, genre 50 ou 100, j'obtiens une pile de plusieurs centaines de mètres de haut. Les petits malins de physiciens qui racontent ça vivent pas dans le même monde, je crois. Faux espoirs, c'est tout ce qu'ils offrent, comme les publicités. Faut tout vérifier, tout goûter, et se rendre compte qu'ils mentent tous. Tout vérifier, y compris le cap que prend cette barque. Le hasard joue avec les courants, les nuages que je vise pour aller droit, le soleil que mes yeux ne peuvent plus viser.

Ramer. Plonger la rame dans l'eau à gauche. Pousser avec le bras droit, tirer avec le gauche, légère inclinaison du buste pour accompagner harmonieusement le mouvement. Basculer le buste de l'autre côté, les bras qui suivent comme les vainqueurs. Tirer avec le bras droit, pousser avec le gauche. Recommencer.
Qu'allais-je faire dans cette galère?

24/06/2014 - Cédric Girard